« Ce n’est pas parce qu’on utilise du papier PEFC qu’on est éco-responsable » Gilles Poussier, Gens d’Evénement
Convaincu de longue date par la réalité de l’urgence climatique, Gilles Poussier, fondateur et dirigeant associé de l’agence événementielle Gens d’Evénement, s’est fait le chantre de l’éco-responsabilité au sein de sa profession. Une envie d’avancer chevillée au corps l’a mené à développer avec son équipe une expertise sur l’événementiel bas carbone.
Comment faire de l’événementiel bas carbone ? Quelle opportunité pour les professionnels ? Eclairages du dirigeant nantais.
Quelle est votre définition de l’éco-événement ?
Il faut être très pragmatique : un éco-événement doit comprendre des éléments factuels qui permettent de mesurer l’effort et l’engagement vers l’éco-responsabilité. Si on n’est pas concret dans ce domaine, on tourne en rond. Ce n’est pas parce qu’on a du papier PEFC ou des clés USB en bois qu’on est éco-responsable. Sans indicateurs pour savoir d’où on part et vers où on veut aller, c’est bullshit !
Comment avez-vous développé votre savoir-faire sur l’organisation d’éco-événements ?
En 2010, alors que l’événementiel éco-responsable n’en n’était qu’à ses prémices, un audit de certification ISO 26000 nous a littéralement boostés. Nous avons souhaité mettre en pratique l’approche RSE appliquée aux événements de manière expérimentale sur deux opérations d’envergure, dont le congrès national du CJD, organisé cette année-là au Parc des Expositions de Nantes avec 1700 participants. En amont de l’événement, nous avons identifié quatre critères : l’emprunte carbone, les déchets, l’inclusion sociale et le recours aux prestataires locaux, et nous avons mis en place des actions pour en diminuer l’impact. Par exemple, sur le carbone, une campagne de sensibilisation sur les moyens de transports a permis d’économiser 8 %, ce qui est loin d’être neutre sur un événement à 250 tonnes de carbone !
Sur le critère de l’inclusion sociale, qui se mesure en nombre d’heures travaillées, nous avons agi sur la partie traiteur, avec des personnes en situation d’insertion en cuisine et au service, sur la préparation des badges avec des personnes en situation de handicap, et enfin sur l’animation, avec une fresque réalisée par des jeunes venant de quartiers prioritaires et une chorale de personnes issues de la rue. Bref, cette expérimentation nous a permis de démontrer qu’il était possible de faire un éco-événement.
Le bas carbone est le sujet qui vous préoccupe le plus ?
Tout est important mais le sujet du carbone me semble prioritaire. Il faut rapprocher l’éco-conception événementielle de l’urgence climatique et gérer les priorités pour diminuer de 50% les émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030. Il faut juste que l’humanité puisse continuer à vivre sur terre !
Comment s’y prend-t-on ?
Le carbone n’est pas un sujet simple, c’est un sujet très technique qui nécessite un vrai niveau de compétences. Qu’est-ce que le carbone, quels sont les impacts des gaz à effet de serre sur la planète… Chez Gens d’Evénement, tous les salariés ont été formés à la question, avec la société Toovalu. Forts de ces connaissances, nous avons monté une offre, sur un temps long. Car on ne peut travailler sur le sujet du carbone que dans la durée. La première étape consiste à établir un référentiel. Il s’agit d’identifier, pour un type d’événement, tous les postes émetteurs de carbone (transport, logistique, aménagement, technique…) et de définir les postes prioritaires, c’est-à-dire ceux sur lesquels il y a à la fois le plus d’émission et le plus de moyens d’action. Il existe autant de référentiels que de types d’événements. Les bases d’émission ne sont pas les mêmes selon que vous organisez un séminaire de direction, un congrès ou un salon.
Une fois qu’on a ces données, en amont de l’événement et avec les équipes de production, on procède à un calcul extrêmement détaillé. Par exemple, x trajets en taxi de la gare au lieu de l’événement = x kilomètres parcourus. Ce travail de fourmi nous permet de définir une valeur TO, c’est-à-dire le montant de tonnes de carbone émis par personne et par type d’événement. Le TO est la valeur de départ et pas une finalité en soi, ce n’est que le début ! Cette valeur va nous servir à mettre en place avec le client et dans la durée une stratégie qui lui permet d’établir son plan de diminution d’impact mais aussi d’infléchir ses choix sur les événements futurs. L’éco événement n’est pas une démarche one shot, c’est une démarche temps long. C’est pour ça qu’on revendique de travailler de façon récurrente.
Vous revendiquez une longueur d’avance sur le sujet ?
Aujourd’hui, Gens d’Evénement est capable de dire à quel T0 équivaut un séminaire de direction de 2 jours dans un hôtel 4 étoiles. Idem pour une émission de télé à distance. Nous pouvons donner une dizaine de T0, c’est un véritable trésor de guerre ! Cela fait 10 ans que j’investis sur le sujet. Si quelqu’un d’autre est au même niveau que nous, je rentre immédiatement en coopération ! On a pris 12 ans d’avance au départ. Et si on se fait rattraper aujourd’hui c’est tant mieux !
La stratégie carbone est-elle devenue une opportunité pour les professionnels de l’événementiel ?
La maîtrise du sujet est devenue un véritable atout business, c’est indéniable. Quand on a lancé cette offre en 2008, certains clients, y compris de grands groupes internationaux, ne cachaient pas leur indifférence. Aujourd’hui, la demande a évolué. Nous avons remporté l’année dernière un appel d’offres de la SNCF devant 65 agences dont les plus belles du marché. 30% de la notation étaient consacrés à la RSE. Idem pour un appel d’offres concernant les marchés événementiels de l’Etat et un autre pour l’agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). A chaque fois, on gagne parce qu’on répond à tous les critères RSE, sur des éléments pragmatiques et opposables. Petite agence nantaise remporte très gros marché national ! On commence à avoir de l’expérience et ça se sait.